Le 22 juillet dernier, les Sénateurs ont voté contre le projet de paquet de cigarettes sans marque, ni logo. Motif officiel : prévenir l’Etat français de toute atteinte au droit international des marques. Une législation que les parlementaires ont sortie d’un chapeau aux couleurs rouge et blanche signées Philip Morris…
Avec ses 850 milliards de paquets de cigarettes vendus chaque année et ses 25 milliards de dollars US de revenus nets, Philip Morris reste la société numéro un de l’industrie mondiale du tabac. Lors d’un rapport rendu public en janvier 2015 (1), la firme américaine révèle que l’arrivée du paquet neutre en France (premier pays consommateur de cigarettes en Europe) pourrait lui porter un coup très rude. La baisse du chiffre d’affaires sur le marché français a ainsi été évaluée entre 10 et 15 %.
Ce paquet neutre efface tous signes distinctifs des marques sur les paquets et les remplacerait par des images chocs sur les dégâts du tabac pour la santé. « Cela n’empêchera pas les gens de fumer, indique le président de la fédération des débitants de tabac du Rhône, mais ils se dirigeront vers les sous marques, les moins chères. »
Tous les fumeurs vous le diront. Peu importe l’emballage, le principal est la fumée. Et si elle coûte moins chère, alors autant s’en remplir les poumons. Si la vente globale de cigarettes ne risque donc pas de baisser avec le paquet neutre, pourquoi les buralistes sont-ils descendus dans la rue pour manifester contre ce projet ? « Il est clair que la valeur de notre fonds de commerce dépend aussi de la qualité de notre relation avec notre principal fournisseur », avoue Jean-Pierre Teindas. De là à imaginer que Philip Morris a mis dans les mains des buralistes les carottes qu’ils ont déversées devant le Sénat, il n’y a qu’une bouffée.
Mais ces quelque centaines de débitants de tabac, même au pied du palais Bourbon, n’ont certainement pas suffi à pousser les Sénateurs à refuser ce projet. Dans un article du Parisien paru en 2013, Philip Morris était déjà épinglé pour son lobbying virulent. Plus de 160 employés de la firme américaine travaillent à temps plein à Bruxelles, auprès du parlement européen. Ces lobbyistes disposent d’un fichier sur la personnalité de chaque élu, leur permettant de savoir lequel se laissera convaincre par une semaine de sports extrêmes ou bien un voyage à l’autre bout du globe. Il y a deux ans et toujours d’après le Parisien, ils bénéficiaient déjà de 550 000 euros pour parvenir à leurs fins. Face au parlement européen, le Sénat français fait figure de salle d’entraînement pour les lobbyistes de Philip Morris.
Voulu par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, ce projet de loi sur le paquet neutre doit passer en seconde lecture devant l’Assemblée nationale au mois de septembre. Les députés socialistes auront-ils assez de poumons pour lutter contre le tout puissant Philip Morris ??
(1) Sources : Pmi